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lisière des champs. Rien devant moi qu’une envolée de pigeons et deux bonnes sœurs en cornette frôlant timidement la muraille. Dans le fond, la tour Solférino, bastille vulgaire et lourde, rendez-vous des dimanches de banlieue, que le siège a rendue presque pittoresque en en faisant une ruine.

À mesure qu’on avance, la rue s’élargit, s’anime un peu. Ce sont des tentes alignées, des canons, des fusils en faisceaux ; puis sur la gauche, un grand portail devant lequel des gardes nationaux fument leurs pipes. La maison est en arrière et ne se voit pas de la rue. Après quelques pourparlers, la sentinelle nous laisse entrer… C’est une maison à deux étages, entre cour et jardin, et qui n’a rien de tragique. Elle appartient aux héritiers de M. Scribe…

Sur le couloir qui mène de la petite cour pavée au jardin, s’ouvrent les pièces du rez-de-chaussée, claires, aérées, tapissées de papier à fleurs. C’est là que l’ancien Comité central tenait ses séances. C’est là que, dans l’après-midi du 18, les deux généraux furent conduits et qu’ils sentirent l’angoisse de