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Et tout de suite on court chez le greffier, où sont ceux de la seconde

Oh ! ce petit village noir avec son clocher pointu couvert de neige, ces jardinets en quinconces qui, en s’ouvrant, sonnaient comme des boutiques, ces maisons inconnues, ces escaliers de bois où je courais en tâtonnant derrière le grand sabre de l’adjudant-major, l’haleine chaude des chambrées où nous jetions l’appel d’alarme, les fusils qui sonnaient dans l’ombre, les hommes lourds de sommeil qui gagnaient leur poste en trébuchant, tandis qu’au coin d’une rue cinq ou six paysans abrutis se disaient tout bas, avec des lanternes : « On attaque… on attaque… » tout cela sur le moment me faisait l’effet d’un rêve, mais l’impression que j’en ai gardée est ineffaçable et précise…

Voici la place de la Mairie toute noire, les fenêtres du télégraphe allumées, une première salle où les estafettes attendent, le falot au poing ; dans un coin, le chirurgien irlandais du bataillon préparant flegmatiquement sa trousse, et, silhouette ado-