Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Voici maintenant la grande bousculade, la guerre, le Quatre Septembre, Gambetta membre de la Défense Nationale en même temps que Rochefort. Ils se retrouvèrent face à face devant le tapis vert où se signent proclamations et décrets, comme douze ans auparavant, devant la nappe cirée de ma table d’hôte. L’arrivée subite au pouvoir de mes deux compagnons du quartier Latin ne m’étonna point. L’air était plein, à ce moment, de bien plus surprenants prodiges. Le grand bruit de l’Empire écroulé remplissait encore les oreilles, empêchait d’entendre les bottes de l’armée prussienne qui s’avançait. Je me rappelle une première promenade à travers les rues. Je revenais de la campagne — un coin tranquille de la forêt de Sénart — respirant encore l’odeur fraîche des feuilles et de la rivière. Je me sentis comme étourdi : plus de Paris, une immense foire, quelque chose d’une énorme caserne en fête. Tout le monde en képi, et les petits métiers subitement rendus libres par la disparition de la police, remplissant comme aux approches du jour de l’an, la ville entière