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ragans et des embruns de mer, le village se découvre avec ses toits bas et pauvres serrés l’un contre l’autre, comme pour faire tête au vent et séparés non pas par des ruelles, dont la ligne droite livrerait passage à la tempête, mais par des carrefours, des petites places capricieusement ménagées qui, dans le mois où nous sommes, servent d’aire pour le battage de la moisson.

Des chevaux à demi sauvages, dont la race rappelle un peu celle des Camarguais, unis par deux ou par trois, tournent étroitement dans ces cirques inégaux, foulant le grain qui fait voltiger sa poussière au soleil. Une femme les dirige, une poignée de paille à la main ; d’autres, armées de fourches, repoussent le blé tout autour de l’aire. Rien de frappant dans le costume : de pauvres vêtements sans dessins et décolorés, des fichus jaunis abritant des figures terreuses et hâlées ; mais la scène elle-même est d’un pittoresque primitif. Il monte de là des hennissements, des froissements de paille, des voix claires où son-