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ou trempées de tan, des troupes de marsouins roulant sur le flot que coupe leur nageoire aiguë, puis des îlots d’où s’envolent tumultueusement des tourbillons de mouettes ou quelque troupe de cormorans avec leurs larges ailes d’oiseaux de proie faites pour planer et pour fuir.

En passant, nous longeons le phare de la Teignouse, perché sur un rocher ; et quoique notre vitesse soit très grande, nous avons une vision très nette du récif et des deux vies humaines qui s’y abritent. Au moment où nous passons, l’un des gardiens, sa blouse toute gonflée par le vent, descend la petite échelle de cuivre à pic sur l’îlot et qui sert d’escalier extérieur. Son compagnon, assis dans un creux de roche, pêche mélancoliquement ; et la vue de ces deux silhouettes si menues dans l’étendue environnante, la maçonnerie blanche du phare, sa lanterne blafarde à cette heure, les poids de la grosse cloche à vapeur qui sonne par les nuits de brume, tous ces détails entrevus suffisent à nous donner une impression frappante de cet exil en pleine mer et de