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gendarmes ; les veufs, les garçons en tournent les pointes d’autre manière. Tout ce monde s’éparpille dans les vieilles rues et se réunit une heure après au champ de courses, à un kilomètre de la ville, dans une plaine immense que domine l’horizon.

Des tribunes, le coup d’œil est merveilleux. La mer, au fond, toute verte, semée d’écume blanche ; plus près, les clochers du Croizic, du bourg de Batz, et les salines qui brillent et moutonnent au soleil dans les coupures luisantes des marais. La foule arrive de tous côtés à travers champs. Les béguins blancs apparaissent au-dessus des haies ; les gars s’avancent par bandes, bras dessus bras dessous, en chantant de leurs voix rauques. L’allure, la chanson, tout est naïf, primitif, presque sauvage. Sans nul souci des messieurs en chapeau qui regardent, les femmes qui passent devant nous, le fichu de moire croisé sur leurs guimpes, ont la tenue réservée et pas la moindre affectation coquette. On est venu pour voir, dame oui ! mais non point pour se faire voir… En attendant les courses, tout ce