Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Parmi tous les joueurs il y en avait un surtout qui m’intéressait. C’était un grand gars, très jeune, poussé trop vite, une bonne grosse tête d’enfant à barbe, naïve, inculte, primitive, malgré les frisures Demidoff, et où toutes les impressions se lisaient à visage ouvert. Ce garçon-là perdait tout le temps. Deux ou trois fois je l’avais vu se lever de la table et sortir vivement ; puis, au bout de quelques minutes, il revenait prendre sa place, tout rouge, tout suant, et je me disais : « Toi, tu viens de raconter quelque histoire à ta mère, à tes sœurs pour avoir de l’argent. » Le fait est que chaque fois, le pauvre diable rentrait les poches pleines et se remettait au jeu avec