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ouverts et des essais de frisure à la russe, qui les faisaient ressembler tous à de grosses poupées fortement coloriées. C’était ce que vous pouvez imaginer de plus comique. Il me semblait que j’assistais à une pièce très parisienne de Meilhac ou de Dumas fils jouée par des amateurs de Tarascon et même plus loin. Toutes les lassitudes, les airs ennuyés, dégoûtés, ce parler veule qui est le suprême chic du cocodès parisien, je les retrouvais à deux cents lieues de Paris, exagérés encore par la maladresse des acteurs. Il fallait voir ces gros garçons s’aborder d’une mine languissante : « Comment va, mon bon ? » s’allonger sur les divans dans des poses accablées, s’étirer les bras devant les glaces et dire avec l’accent du cru : « C’est infect… C’est crevant… » Chose touchante ! ils appelaient leur cercle le clob, qu’en bons méridionaux ils prononçaient clab. On n’entendait que cela… Le garçon du clab, les règlements du clab

J’étais à me demander comment toutes ces démences parisiennes avaient pu venir là et s’implanter dans l’air vif et sain de