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réunir chez eux une cinquantaine de personnes qui s’en iront en ricanant. Ce sont des salons trop petits, tout en longueur, où les invités, assis et causant, ont l’attitude gênée de gens en omnibus ; des appartements transformés, bouleversés, avec des couloirs, des portières, des paravents à surprises, et la maîtresse de maison effarée qui vous crie : « Pas par là ! » Quelquefois une porte indiscrète s’entr’ouvre et vous laisse apercevoir là-bas, dans un fond de cuisine, Monsieur qui rentre harassé de courses, trempé de pluie, essuyant son chapeau avec un mouchoir, ou dévorant à la hâte un morceau de viande froide sur une table encombrée de plateaux. On danse dans des corridors, dans des chambres à coucher toutes démeublées, et, en ne voyant plus rien autour de soi que des lustres, des bras de bronze, des tentures, un piano, on se demande avec terreur : « Où coucheront-ils ce soir ? »

J’ai connu dans ce genre une maison très singulière, où les chambres en enfilade, séparées chacune par deux ou trois marches,