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à plaindre. Elles ont beau lutter, s’accrocher désespérément aux lambeaux défleuris de la couronne tombée, elles voient le public s’éloigner d’elles, l’admiration remplacée par l’indulgence, puis par la pitié, et, ce qui est plus navrant que tout, par l’indifférence.

Grâce à son esprit, grâce à sa fierté, la grande et vaillante Arnould-Plessy n’a pas attendu cette heure désolante. Ayant encore quelques années devant elle, elle a préféré disparaître en pleine gloire, comme un de ces beaux soleils d’octobre qui plongent sous l’horizon brusquement plutôt que de traîner leur agonie lumineuse dans un vague et lent crépuscule. Sa réputation y aura gagné ; mais nous y aurons perdu les belles soirées qu’elle pouvait nous donner encore. Avec elle, Marivaux est parti, et le charme de son art merveilleux, de cette phrase chatoyante et papillonnante qui a l’ampleur capricieuse d’un éventail déployé aux lumières. Toutes ces belles héroïnes qui s’appellent comme des princesses de Shakespeare, et qui ont quelque chose de leur élégance éthérée, sont rentrées dans le livre ;