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Goncourt qu’une récompense tardive et comme marchandée ? À ne considérer que l’apparence des choses, cela paraîtrait incompréhensible. Mais quoi ! Ces deux Lorrains si élégants, si épris d’aristocratie, ont été, en art, de parfaits révolutionnaires ; et le public français, toujours prudhomme par quelque point, n’aime la Révolution qu’en politique. Par la recherche passionnée du document contemporain, par la curiosité de l’autographe et de l’estampe, les frères de Goncourt ont, dans l’histoire proprement dite, et dans l’histoire de l’Art, inauguré une méthode nouvelle. Si encore ils s’étaient spécialisés – en France on finit toujours par pardonner aux spécialités, — s’ils s’en étaient tenus à l’histoire, peut-être, en dépit de leur originalité, aurait-on fini par les admettre, peut-être les aurions-nous vus, ces enragés, s’asseoir sous la poudreuse coupole de l’Institut à côté des Champagny et des Noailles. Mais, non ! appliquant au roman le même souci d’information exacte, le même scrupule de réalité, ne sont-ils pas, puisque la mode est aux chefs d’école, les chefs