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cieux et bizarre, qui garde les volets de sa chambre toujours fermés, se couche et mange sans lumière. Avec cela, l’air trop à l’aise, le cigare aux dents et d’une exigence !… Il faut à sa seigneurie une pièce pour lui, une pour son secrétaire, une pour son domestique. Défense d’entrer par cette porte, de sortir par celle-là. Est-ce qu’il ne voulait pas nous empêcher d’aller dans le jardin ?… Enfin le maire est venu, le hauptmann s’en est mêlé, et nous voilà chez nous. Ce n’est pas gai chez nous, cette année. Quoi qu’on en ait, ce voisinage vous gêne, vous blesse. Cette paille qu’on hache autour de vous, dans votre maison, se mêle à ce que vous mangez, fane les arbres, brouille la page du livre, vous entre dans les yeux, vous donne envie de pleurer. L’enfant lui-même, sans qu’il s’en rende bien compte, est sous le coup de cette étrange oppression. Il joue tout doucement dans un coin du jardin, retient son rire, chante à mi-voix, et le matin, au lieu de ses réveils ébouriffés et pleins de vie, il se tient bien tranquille, les yeux grands ou-