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lèvres ce mot magique de palais d’Été qui courait comme une brise d’éventail, ouvrant à l’imagination je ne sais quelles féeriques avenues d’ivoire blanc et de jaspe fleuri.

Cette année, la société de Berlin, de Munich, de Stuttgard, a eu, elle aussi, des exhibitions du même genre. Voilà plusieurs mois déjà que les fortes dames d’outre-Rhin poussent des « mein Gott » d’admiration devant les services de Sèvres, les pendules Louis XVI, les salons blanc et or, les dentelles de Chantilly, les caisses d’oranger, de myrte et d’argenterie que les innombrables Palikao de l’armée du roi Guillaume ont cueillis aux environs de Paris dans le pillage de nos palais d’été.

Car, eux, ils ne se sont pas contentés d’en piller un. Saint-Cloud, Meudon — ces jardins du Céleste Empire — ne leur ont pas suffi. Nos vainqueurs sont entrés partout ; ils ont tout raflé, tout saccagé, depuis les grands châteaux historiques, qui gardent, dans la fraîcheur de leurs pelouses vertes et de leurs arbres de cent ans, un petit coin de France, jusqu’à la plus humble de