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de rien ; il avait eu près d’elle, grâce à elle, deux ans d’un bonheur si plein, si profond, que le souvenir en suffirait pour remplir sa vie, adoucir l’horreur de son sort, et il terminait par la demande d’un service :

« Tu sais que j’ai un enfant au pays, dont la mère est morte depuis longtemps ; il vit chez une vieille parente, dans un coin si perdu qu’on n’y saura jamais rien de mon affaire. L’argent qui me restait, je le leur ai envoyé, disant que je partais très loin, en voyage, et c’est sur toi que je compte, ma bonne Nini, pour t’informer de temps en temps de ce petit malheureux et m’envoyer de ses nouvelles… »

Comme preuve de l’intérêt de Fanny, suivait une lettre de remerciements et une autre, toute récente, ayant à peine six mois de date : « Oh ! tu es bonne d’être venue… Que tu étais belle, comme tu sentais bon, en face de ma veste de prisonnier dont j’avais si grand’honte !… » et Jean s’interrompait, furieux :

— Tu as donc continué à le voir ?

— De loin en loin, par charité…

— Même depuis que nous sommes ensemble ?