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fût aimée, puisque, malgré la curiosité de ces fêtes, le poète ne songeait qu’à elle, mourait de ne pas la voir :

— Oh ! cette nuit, j’étais avec toi sur le grand divan de la rue de l’Arcade. Tu étais nue, tu étais folle, tu criais de joie sous mes caresses, quand je me suis réveillé en sursaut roulé dans un tapis sur ma terrasse, en pleine nuit d’étoiles. Le cri du muezzin montait d’un minaret voisin en claire et limpide fusée voluptueuse plutôt que priante, et c’est toi que j’entendais encore en sortant de mon rêve…

Quelle force mauvaise le poussait donc à continuer sa lecture malgré l’horrible jalousie qui blanchissait ses lèvres, contractait ses mains ? Doucement, câlinement, Fanny essayait de lui reprendre la lettre ; mais il la lut jusqu’au bout, et après celle-là une autre, puis une autre, les laissant tomber au fur et à mesure avec un détachement de mépris, d’indifférence, sans regarder la flamme qui s’avivait dans la cheminée aux effusions lyriques et passionnées du grand poète. Et quelquefois, dans le débordement de cet amour