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consul » comme on disait là-bas, était retenu toute l’année par la surveillance du domaine très considérable qu’il faisait valoir et ses rudes batailles avec la vigne. La mère, impotente, ne pouvait faire sans aide un pas ni un geste, laissant à Divonne la direction de la maison, le soin des deux petites sœurs jumelles, Marthe et Marie, dont la double naissance en surprise avait à tout jamais emporté ses forces actives. Quant à l’oncle Césaire, le mari de Divonne, c’était un grand enfant qu’on ne laissait pas voyager seul.

Et Fanny maintenant connaissait toute la famille. Lorsqu’il recevait une lettre de Castelet, au bas de laquelle les bessonnes avaient mis quelques lignes de leur grosse écriture à petits doigts, elle la lisait par-dessus son épaule, s’attendrissait avec lui. De son existence à elle il ne savait rien, ne s’informait pas. Il avait le bel égoïsme inconscient de sa jeunesse, aucune jalousie, aucune inquiétude. Plein de sa propre vie, il la laissait déborder, pensait tout haut, se livrait, pendant que l’autre restait muette.

Ainsi les jours, les semaines s’en allaient