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marche excessive semblaient posés les uns à côté des autres, sans attaches ni ressorts. L’après-midi, il était tombé beaucoup de neige. Dans un silence de désert, on l’entendait fondre, ruisseler contre les murs, le long des vitres, s’égoutter dans les combles du toit, et, par moments, sur le feu de coke de la cheminée qu’elle éclaboussait.

Où était-il ? Que faisait-il là ? Peu à peu, dans la réverbération du petit jardin, la chambre lui apparaissait toute blanche, éclairée d’en bas, le grand portrait de Fanny dressé en face de lui, et le souvenir lui revenait de sa chute, sans le moindre étonnement. Dès en entrant, devant ce lit, il s’était senti repris, perdu ; ces draps l’attiraient comme un gouffre, et il se disait : « Si j’y tombe, ce sera sans rémission et pour toujours. » C’était fait ; et sous le triste dégoût de sa lâcheté, il y avait comme un soulagement à l’idée qu’il ne sortirait plus de cette fange, le pitoyable bien-être du blessé qui, perdant son sang, traînant sa plaie, s’est étendu sur un tas de fumier pour y mourir, et las de souffrir, de lutter, toutes les veines ouvertes,