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qui avait été leur chambre, l’effroi du petit appelant au secours, la lutte brutale avec le gros homme, et il croyait sentir le goût opiacé, l’amertume somnolente du laudanum répandu. L’épouvante lui en resta tout le jour, aggravée de l’isolement où elle allait se trouver. Les Hettéma partis, qui lui retiendrait la main à la nouvelle tentative ?

Une lettre vint le rassurer un peu. Fanny le remerciait de n’être pas si dur qu’il voulait le paraître, puisqu’il prenait encore quelque intérêt à la pauvre abandonnée : « On t’a dit, n’est-ce pas ?… J’ai voulu mourir… c’était de me sentir si seule !… J’ai essayé, je n’ai pas pu, on m’a arrêtée, ma main tremblait peut-être… la peur de souffrir, de devenir laide… Oh ! cette petite Doré, comment a-t-elle eu le courage ?… Après la première honte de m’être manquée, ç’a été une joie de penser que je pourrais t’écrire, t’aimer de loin, te voir encore ; car je ne perds pas l’espoir que tu viendras une fois, comme on vient chez une amie malheureuse, dans une maison en deuil, par pitié, seulement par pitié. »