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fit Déchelette vivement pour prévenir le nouveau venu. Ezano salua ; on se mit à causer. Fanny rassurée de voir comme son amant prenait les choses, et fière de lui, de sa beauté, de sa jeunesse, devant des artistes, des connaisseurs, se montra très gaie, très en verve. Toute à sa passion présente, à peine se souvenait-elle de ses liaisons avec ces hommes ; des années de cohabitation pourtant, de vie en commun où l’empreinte se fait d’habitudes, de manies, gagnées à un contact et lui survivant, jusqu’à cette façon de rouler les cigarettes qu’elle tenait d’Ezano comme sa préférence du Job et du maryland.

Jean constatait sans le moindre trouble ce petit détail qui l’eût exaspéré jadis, éprouvant à se trouver aussi calme, la joie d’un prisonnier qui a limé sa chaîne, et sent que le moindre effort lui suffira pour l’évasion.

— Hein ! ma pauvre Fanny, disait Caoudal d’un ton blagueur en lui montrant les autres… quel déchet !… sont-ils vieux, sont-ils raplatis !… il n’y a que nous deux, vois-tu, qui tenions le coup.

Fanny se mit à rire :

— Ah ! pardon, colonel –