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son petit train-train, la couverture, le moine, et quand elle est couchée, la place chaude, on tombe dans le tas, et ça vous fait par tout le corps une chaleur comme si l’on entrait tout entier dans la paille de ses sabots…

Il en devenait presque éloquent de matérialité, ce géant velu, à lourde mâchoire, si timide à l’ordinaire qu’il ne pouvait pas dire deux mots sans rougir et sans bégayer.

Cette timidité folle, d’un contraste comique avec cette barbe noire et cette envergure de colosse, avait fait son mariage et la tranquillité de sa vie. À vingt-cinq ans, débordant de vigueur et de santé, Hettéma ignorait l’amour et la femme, quand un jour, à Nevers, après un repas de corps, des camarades l’entraînèrent à moitié gris dans une maison de filles et l’obligèrent à faire son choix. Il sortit de là bouleversé, revint, choisit la même, toujours, paya ses dettes, l’emmena, et s’effrayant à l’idée qu’on pourrait la lui prendre, qu’il faudrait recommencer une nouvelle conquête, il finit par l’épouser.

— Un ménage légitime, mon cher… disait Fanny dans un rire de triomphe à Jean qui l’écoutait terrifié…