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élevé où ils se trouvaient, de grands étangs, des clairs, maintenus par des bourrelets de chaux, comme sur les salines.

— Dans deux ans ce cépage donnera ; dans deux ans aussi la Piboulette, et encore l’île de Lamotte que ton oncle a achetée sans le dire… Alors nous serons riches… mais il faut tenir jusque-là, et que chacun y mette du sien et se sacrifie.

Elle en parlait gaiement du sacrifice, en femme qu’il n’étonne plus, et avec un si facile entraînement que Jean, traversé d’une idée subite, lui répondit sur le même ton :

— On se sacrifiera, Divonne…

Le jour même, il écrivit à Fanny que ses parents ne pouvaient lui continuer sa pension, qu’il serait réduit aux appointements ministériels et que, dans ces conditions, la vie à deux devenait impossible. C’était rompre plus tôt qu’il n’avait pensé, trois ou quatre ans avant le départ prévu ; mais il comptait que sa maîtresse accepterait ces raisons graves, qu’elle aurait pitié de lui et de sa peine, l’aiderait dans cet accomplissement douloureux d’un devoir.