Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
ROSE ET NINETTE

innombrables bonnes fortunes dans l’île, à tous les étages de la société.

« À propos, et Séraphine ? demanda Fagan en passant dans le salon où le café les attendait sur la table à jeu, entre les jetons et un paquet de cartes neuves.

— Séraphine ? Oh ! plus que jamais… Une femme idéale, vous savez… IL faut venir en Corse… Poète, cuisinière, les jambes de Diane et ne me coûtant pas un radis… Mais attendez, mon petit trognon, vous allez juger vous-même. »

Elle vint à l’appel du maître, grande et forte fille, à la taille massive, aux jambes robustes mais de lignes élégantes sous le mince placage de la jupe.

« Ôte donc ça, dit le baron, levant le fichu jeté sur ses cheveux et qui lui cachait la figure, un front bas, zébré d’une longue cicatrice, des yeux bruns, de grands traits durs et réguliers.

— Mon compliment, cher ami, répondit Fagan aux « hein ? » significatifs de son hôte. Mais d’où lui vient la belle estafilade qu’elle porte au-dessous des yeux ? »

La femme avait compris. Elle dit fièrement :

« U cultellu di u maritu.

— Oui, mon bon, ce brutal muletier, dans une scène de jalousie… d’un grand coup de couteau. Pauvre vieille bique, va ! »

Le baron lui tapotait les hanches d’une main