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ROSE ET NINETTE

La bande, c’était huit à dix jeunes gens du cercle, qui, déguisés et masqués, devaient courir et intriguer les salons d’Ajaccio, comme il est d’usage là-bas, les nuits de carnaval.

« Justement, je viens de chercher mon costume de Méphisto… Prenez garde aux deux marches, mon bon, nous voici chez nous. »

Tandis qu’ils montaient l’escalier d’une antique maison dont la rampe et les murs ruisselaient, Fagan, qui suivait et écoutait sans rien dire, interrogea vivement le petit Rouchouze :

« Entrerez-vous à la préfecture, dans vos courses de cette nuit ?

— À la préfecture ? Je crois bien… Il y a bal et comédie.

— En ce cas, mon cher baron, tâchez de m’avoir un déguisement quelconque, et emmenez-moi.

— Rien de plus facile… » dit l’autre, que ce service mettait à l’aise avec son créancier. La troupe italienne du Grand-Théâtre était toute à sa disposition ; et l’on pouvait demander à la basse Deodato… Non… plutôt au baryton Paganetti, un grand, long comme Fagan, n’importe quel costume au choix… « Ah ! voilà Firmin… Firmin, un couvert… Monsieur dîne avec moi. »

La moisissure de l’escalier semblait avoir gagné l’appartement, haut de plafond, d’un mobilier rare et sévère, que la veuve Limpe-