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ROSE ET NINETTE

de se rapprocher de ses filles, l’espérance de voir de loin les lumières de leur bal, ou même, quelque chance aidant, de les embrasser une fois de plus.

Il pataugeait dans la boue des quais balayés encore de temps en temps par les lames livides sous les réverbères, quand il se heurta contre un homme qui courait, un paquet dans les bras.

« Tiens ! Fagan… D’où sortez-vous donc, mon vieux célèbre ? Je vous croyais parti.

— Vous voyez, j’arrive. »

Et, son aventure rapidement contée, Fagan demanda :

« Mais vous-même, baron, où courez-vous si vite avec ce chargement de garçon tailleur ? » C’est vrai que pour un gentleman qui avait, à l’entendre, monté en course je ne sais combien de fois, porter ce gros paquet enveloppé de lustrine, cela manquait de caviar. Pour achever de se déconcerter, subitement le baron se rappelait qu’il avait laissé partir son vieux célèbre sans lui régler un petit solde de cinquante à soixante louis, reliquat d’une dernière séance d’écarté.

« Au fait, mon cher Fagan, puisque votre soirée est libre, montez donc dîner chez moi. Après dîner, nous pourrons cartonner une couple d’heures, car la bande ne viendra me prendre que fort tard. »