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ROSE ET NINETTE

père La Ressource qui ne laissera jamais son patron mourir de faim… Venez donc déjeuner chez nous, un de ces matins, là-bas, tenez, cette grande baraque… — il désignait de la pointe de son parasol une haute maison italienne à pic sur l’eau noire, au fond du port, — cinq pièces au second, avec des plafonds comme place Vendôme ; pour me servir, Firmin, déjà nommé, et ma cuisinière Séraphine, la très belle femme d’un muletier de l’Ile-Rousse, qui passe pour la meilleure vocératrice d’Ajaccio. Entre nous… » Ici le baron baissa la voix et, de l’air le plus abominablement niais, avoua que Séraphine allait bientôt lui accorder ses faveurs, dont la première, la plus précieuse de toutes, avait été de se laisser conduire au bain par son heureux maître et seigneur qui l’attendait.

« … Inutile de vous dire si je vais tenir à distance ce fantoche, » écrivait de Fagan rentré à l’hôtel et mettant la chère Mme Hulin au courant de son voyage. Mais comme il s’illusionnait, le pauvre homme !

Dans cette chambre où le confinait la volonté de ses filles, plutôt de leur mère, exigeant qu’il ne se montrât jamais en plein jour, un ennui profond le gagna vite, le pénétra comme une brume étouffante, lui ôtant toute idée, toute possibilité même de travail. Il se le-