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ROSE ET NINETTE

tressaillir les causeurs. « Écoutez… on dirait quelqu’un qui marche… par là, non, par là… » Et tous trois de rire, en se rapprochant les uns des autres.

Le père, inscrit sous un faux nom à l’hôtel de France, passa toute la journée du lendemain dans sa chambre et n’en descendit que pour aller au bain. Sur la porte de cet établissement, fort peu fréquenté à Ajaccio comme dans la plupart des villes du Midi, il heurta un jeune gommeux, armé d’un parasol de soie tendre et tenant en laisse un chien griffon de la taille d’un rat.

« Diable m’écrase ! mais c’est de Fagan… Hé ! comment va, mon petit trognon, mon vieux célèbre ?… Qu’on se rencontre ici, celle-là est d’un caviar !… »

Gêné de s’entendre interpeller ainsi, lui qui se cachait, Fagan entraîna plus loin le jeune sot faisant partie de son cercle des « Hannetons » et qui avait tenu un bout de rôle dans une de ses pièces, jouée un soir de gratin. De là, l’intimité, les « mon petit trognon, mon vieux célèbre, » qui, dans les circonstances actuelles, si loin de l’argot des boulevards, semblèrent à Régis pitoyablement ridicules.

« Je vous en prie, baron, — le père du petit Rouchouze était baron et son fils lui empruntait ce titre volontiers avec bien d’autres