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ROSE ET NINETTE

Paris, ce qu’on peut désirer de mieux comme famille. Ce mariage sourit à La Posterolle, pour la raison surtout qu’il mettrait fin probablement à l’hostilité qui divise Bastia et Ajaccio, la magistrature et l’administration. Pourtant rien n’est encore décidé, et M. Rémory père, qui habite Paris, doit tenter une prochaine démarche officielle auprès de Fagan, à moins que le scandale de sa présence en Corse n’amène une éclatante rupture.

« Mais il n’y aura pas de scandale… dit le père, ému de sentir trembler sa grande Rose… Voyons, c’est donc qu’il t’a déjà pris le cœur, M. le substitut ? »

Et comme au lieu de répondre Rose semble prête à pleurer il la rassure doucement, la fait asseoir sur un murtin de pierre sèche au bord du chemin, lui tout près d’elle, Nina de l’autre côté, et Mademoiselle en faction quelques pas plus loin, droite comme un gabelou sous la lune.

« Ecoutez-moi, mes mignonnes, — en parlant, il caresse entre ses mains les mains de ses fillettes, — j’avoue ma démarche imprudente. Mais tout peut se réparer. On ne me connaît pas encore à l’hôtel de France, on ne sait pas mon nom, je puis en prendre un supposé, rester là cinq à six jours sans voir personne, à la condition que tous les soirs je ferai avec vous deux, sous la surveillance de Mademoiselle,