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ROSE ET NINETTE

cement de l’imprudence qu’il a commise en débarquant ainsi à l’improviste. Quel scandale quand on saura la présence en ville du premier mari de Mme la préfète.

« Songes-y, petit père, vois la situation que tu fais à maman… »

L’accent de Ninette — pas encore quinze ans — a tant d’autorité, son bras presse si vivement le bras de petit père, que celui-ci commence à se sentir coupable.

« Et pour nous, pour ma sœur et moi, continue la rusée s’enhardissant à mesure que le père faiblit, quelle attitude impossible ! Personne ici, ou presque personne, ne savait la vérité ; on croyait maman veuve et nous autres orphelines. »

Fagan veut protester ; cette perspective d’être porté comme disparu l’offense et le navre. Mais Ninette a réponse à tout :

« Tu comprends, dans ce pays-ci ils ne sont pas au courant de nos célébrités théâtrales… si arriérés en toutes choses… Tu penses si le divorce est mal vu ! Il y aurait là de quoi empêcher le mariage de Rose. »

Cette fois, le père se révolte. Comment ! Rose se marie et il n’en savait rien ? Mais d’une pesée tendre à son bras sa grande fille le calme vite. Mariée, elle ne l’est pas encore. Un M. Rémory, substitut à Bastia, lui fait la cour ; le fils d’un président de chambre, de