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ROSE ET NINETTE

quelles la présence de l’escadre dans la rade prêtait encore plus d’éclat, ces fêtes perpétuelles, en même temps qu’elles réveillaient la société assez casanière d’Ajaccio, amenaient des invités des villes voisines, Bonifacio, Porto-Vecchio, Sartène, donnaient de la vie aux hôtels, du travail aux couturières, aux fleuristes, répandant et faisant aimer jusqu’aux extrémités de l’île le nom continental et encore nouveau là-bas des La Posterolle.

Un beau samedi soir, un de ces soirs de l’hiver corse comparable pour la douceur de l’air à nos mai de France, à l’heure où le jardin de la préfecture s’illuminait de lanternes multicolores, où la musique du vaisseau-amiral s’installait pour l’habituelle sauterie sur le sable des allées, dans l’odeur des orangers et des magnolias, Mlle Rose, toute longue et très pâle dans sa blanche robe de bal, courant çà et là en quête de Mme La Posterolle, finit par la trouver au petit salon avec les invités du dîner qui achevaient de prendre le café. Elle l’appela d’un signe frémissant :

« Lis ça, » dit-elle en lui tendant bien vite une lettre ouverte, dont l’écriture seule fit passer un frisson sur le décolletage satiné de Mme la préfète.

Tout bas, en lisant, la mère demanda :

« Ça vient d’arriver ?

— À l’instant même… par un garçon d’hôtel… Il attend dehors la réponse. »