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ROSE ET NINETTE

accordait deux dimanches par mois. C’était leur premier dimanche ; et dans l’amas de lettres de femmes, tombées depuis vingt ans sur sa table de vaudevilliste à la mode, bien peu lui avaient secoué le cœur d’autant d’émotion que ce simple billet arrivé la veille :

« Mon cher père,

« Nous serons à Passy, demain matin, par le train de dix heures. Mademoiselle nous laissera devant le 37 boulevard Beauséjour, et nous y prendra, le soir, à neuf heures très précises.

« Ta fille respectueuse et bien affectionnée.

« Rose de Fagan. »

Au-dessous, la grosse écriture encore un peu bègue de la plus jeune sœur avait signé « Ninette ».

Et maintenant, dans l’angoisse de l’attente, il se demandait si bien réellement elles viendraient, si, au dernier moment, la mère rusée et fourbe, ou cette impénétrable Mademoiselle, n’inventeraient pas quelque prétexte pour les retenir. Non qu’il doutât de la tendresse de ses enfants. Mais il les sentait si jeunes, — Rose seize ans à peine, Nina pas encore douze, — si faibles toutes deux pour résister à une hostile influence ; d’autant que, sorties du couvent