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ROSE ET NINETTE

« Et votre mère y consent ? Elle ne se rappelle donc plus nos conditions ? »

Oh ! la dignité, le sérieux de Ninette pour répondre :

« Notre mère a dû se sacrifier à l’avenir de son mari… Ajaccio n’est que de seconde classe comme préfecture, mais passe de première à cause de cousin. À son âge, c’est une superbe position. »

Elle était à peindre, assise au bord d’un fauteuil bas, suivant du bout de son en-cas les dessins du tapis, ses paupières guetteuses relevées de temps en temps pour mieux juger l’effet des paroles. Il comprit qu’on la lui envoyait au lieu de sa sœur aînée trop simple, trop naturelle, parce qu’on voulait obtenir de lui une chose très importante ; et tout à coup, devant cette astucieuse petite commère, de la colère lui montait aux joues comme s’il se fût trouvé en présence de son ancienne femme.

« Que Mme La Posterolle suive son mari jusqu’au bout du monde, peu m’importe !… Mais on m’a promis, juré, que mes filles ne sortiraient pas de Paris… Ça, jamais on ne l’obtiendra de moi, jamais. »

Il assura sa volonté d’un formidable coup de poing sur son bureau, une de ces démonstrations où s’indiquent le plus souvent la faiblesse d’un homme, son incapacité de résistance. Très calme, Mlle Ninette lui faisait remarquer que