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ROSE ET NINETTE

qui chauffe une vanité féminine ! Bien sûr que son La Posterolle ne lui procurerait jamais cette satisfaction-là, non plus qu’à ses filles… Ainsi pensait Régis de Fagan, et rien n’eût manqué à son triomphe s’il avait deviné, dans l’ombre de sa baignoire, le sourire rassurant, la grâce paisible de Pauline Hulin.

Après le troisième acte, la pièce, qui en avait quatre en tout, ne fit plus que monter. Fagan, ivre de cette joie dont les hommes ne se blasent jamais, voulut y mêler ses filles pour donner à leur vanité une jouissance inoubliable ; et, la porte de sa baignoire ouverte, il reçut devant elles les amis, les solliciteurs aussi, directeurs de province ou de tournées, correspondants étrangers, s’empressant pour traduire et transporter sur des scènes lointaines la nouvelle œuvre de l’auteur acclamé. Entre temps, arrivaient des boîtes de fondants, des fleurs pour ces demoiselles, et des mains se tendaient, des félicitations se criaient du couloir, pendant que Rose et Ninette, absolument étourdies du succès paternel, avaient leur part de ces hommages, si jolies toutes deux et d’une grâce différente, la petite aux yeux rieurs et futés dans un teint d’églantine, la grande, indolente et penchée, mate sous les lumières comme une créole.

« Mes filles ! » disait Régis fièrement. Et devant ces deux Parisiennettes, habillées