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ROSE ET NINETTE

conté le motif de sa brouille avec ses filles, en guise de remercîments il ne reçut que des reproches :

« Comment pouvez-vous leur en vouloir d’être jalouses de votre amitié pour Maurice et pour moi ? Rien de plus naturel, cependant, mon ami… D’abord, je n’irai pas à votre répétition. Est-ce que je peux quitter mon petit malade ? Si dévouée que soit Annette, pourrais-je le lui confier pour tout un soir ? Et puis j’ai le cœur si gros, tant de chagrins en perspective ! Songez que j’en suis presque à désirer que mon enfant reste infirme… C’est affreux ! mais s’il guérit le père va venir me le prendre… Et vous voulez que j’aille à ce théâtre essayer de me distraire ? Oh ! non… Gardez vos filles près de vous, dans votre loge ; et venez me dire en rentrant si vous êtes satisfait, si votre pièce a réussi. Je vous attendrai, je vous le promets. »

Comme tout ce qu’elle disait était sincère, montait de l’intime de son être, avec l’impétuosité tranquille et irrésistible d’une lame de fond, son ami crut en elle et lui obéit de tout point.

Le soir de la répétition générale, pendant que Mme Ravaut, accompagnée de son fiancé La Posterolle et d’un ami, se faisait ouvrir, en femme qui a l’habitude de ces solennités, une