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ROSE ET NINETTE

nait vers Mademoiselle, l’éternelle confidente, et assez haut pour être entendue :

« Vous verrez qu’il adoptera cet enfant et ne laissera à mes pauvres petites que ce qu’il ne pourra pas leur ôter. »

Dès lors, Mlle Ninette, jeune personne déjà très intéressée, eut en horreur le petit Maurice, et si visiblement que l’enfant n’osait plus lui demander à jouer, ni même lever les yeux vers la fenêtre où il la guettait autrefois. Avec Rose, que les questions d’intérêt ne touchaient guère, c’était d’autres procédés ; passionnée sous sa mollesse et surtout très jalouse, elle s’emportait à l’idée qu’une étrangère tenait autant de place qu’elle dans le cœur de son père. Une chose lui plaisait, pourtant, chez Mme Hulin, son côté religieux qui l’empêchait de divorcer, quoique très malheureuse en ménage. La jeune fille, conservant de son séjour à l’Assomption un fond de religiosité, trouvait cela très bien et le disait devant sa mère.

« Allons donc… ricanait Mme Ravaut, et Mademoiselle, Anglaise protestante, ricanait avec elle… on les connaît, ces dévotes… leur religion les empêche de divorcer, mais c’est tout ce qu’elle empêche. »

Or, Mlle Rose, Parisienne moderne, à l’ignorance avertie, savait bien ce que les mots veulent dire et gardait la conviction que Pauline Hulin était la maîtresse de son père,