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ROSE ET NINETTE

Rose ne faiblit pas :

« Tout ce-que tu voudras ; mais j’aimerais mieux, et ma sœur aussi, nous priver de cette répétition que d’y assister avec… »

Il ne la laissa pas finir :

« Entendu, mes enfants. Ma répétition se passera de vous. Et, n’ayant aucun motif pour inviter la future Mme La Posterolle, je vous prie de l’avertir qu’elle ne compte pas sur sa loge. »

C’est à la mère, surtout, qu’il en voulait, se doutant bien que la jalousie de Rose trouvait là un aliment perpétuel. En effet, tenue au courant par Nina, dont les yeux fureteurs, toujours en chasse, notaient soigneusement les progrès de l’intimité entre Fagan et sa voisine, Mme Ravaut tirait parti des moindres détails. Ainsi on condamnait encore le petit Maurice à l’immobilité la plus complète ; il fallait le promener dans la voiture où il se tenait allongé, — et Fagan la roulait souvent, cette voiture, de la place sablée devant la maison au rond-point ombreux sous les grands arbres, — ou le porter à bras, et Fagan seul pouvait le faire, enlevant avec précaution le pauvre petit infirme grandi par la maladie, dans son jersey au col blanc, appuyant sa tête toute blonde et pâle à l’épaule de son grand ami. Quand Ninette décrivait de ces scènes intimes, la mère, qui connaissait les faiblesses de ses deux filles, se tour-