Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.
42
ROSE ET NINETTE

pleine et souple, dégagée par ce mouvement de femme ; mais elle se déroba, fit deux ou trois fois avec colère « Non… non… » en secouant la tête, et s’enfuit sans se retourner.

Oh ! oui, le mari, bien sûrement ; et, rien qu’à sa façon de prendre et d’envelopper la femme, un mari encore jeune, passionné comme au jour des noces. Fagan ne cessa plus d’y penser. Pendant qu’Anthyme le servait, il essayait d’avoir des renseignements ; mais l’autre, comme toujours, était incapable de répondre… Des cheveux rouges ? la moustache en brosse ?… non, il n’avait pas entendu parler de ce particulier-là. En revanche, les moindres détails de l’opération, le nombre de trocarts et d’éponges, la peur qu’on avait eue un moment de manquer de chloroforme, et, quand chacun perdait la tête, le sang-froid de la mère encourageant tout le monde autour d’elle, là-dessus Anthyme ne tarissait pas.

« Tout de même, si Monsieur voulait, on n’aurait qu’à demander à Annette ou à la cuisinière…

— Je te le défends bien, malheureux ! » dit Fagan épouvanté des profondeurs d’abîme où pourrait le jeter cet imbécile.

Donc, gardant pour lui ses réflexions et ses tristesses, il s’en alla au Vaudeville, où sa pièce se répétait, et sa joie fut grande, en prenant une voiture à la station de Passy, de voir celui qu’il