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l’offre de ces pauvres gens, tout fiers d’abriter un Parisien venu, pensaient-ils, pour les obsèques de la comédienne. Il prit un air étonné :

« Une comédienne ?

– Et des fameuses, dit avec fierté le vieux, qui avait été souffleur au casino de Perpignan… Louise Fédor, de la Comédie-Française. Elle est morte ici chez un notaire. »

On passait devant un haut portail en bois peint, large ouvert et gardé par deux énormes mélèzes dont les branches balayaient le sol.

« Justement, voilà le cimetière, murmura le roulottier. Ils sont en train de la descendre dans le tombeau de famille… Penchez-vous, voyez. »

Du manche de son fouet, il montrait au bout de la longue allée, bordée de buis verts et de pierres blanches, un agglomérat de vêtements de deuil et de fronts découverts s’inclinant devant l’étroite chapelle aux vitraux de couleur, aux prétentieuses mosaïques. Il ajouta, pendant que son cheval montait lentement le raidillon, longeant la muraille crépie :

« C’est la plus belle tombe du pays ; d’ici Corbeil, on n’en trouverait pas une aussi riche. »

De sa voix fruste, rocailleuse, la grande fille l’interrompit brutalement :

« N’empêche qu’à la place de la camarade j’aurais pas aimé être enterrée là-dedans. Qu’est-ce qui viendra la chercher ici ? qui pourra