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de ne pas reconnaître la plaine immense par laquelle Veillon l’avait amené. Ici des chemins creux, des vallonnements ombragés d’arbres… Un bruit d’essieux et de roues fatigués venait derrière lui ; la dernière roulotte de la fête qui s’en allait. Il s’arrêta pour demander la route de Juvisy.

« Mais vous y tournez le dos, à Juvisy », dit le vieux roulottier assoupi sous l’auvent de sa lourde voiture.

C’était le même qui, devant le comptoir, donnait à son copain de si judicieux conseils sur l’emploi des épaulettes.

Une grande fille rousse, à la voix rauque, aux traits corrects et durs, vêtue d’une jupe et d’une camisole, les pieds nus, poussiéreux, comme chaussés de cendre chaude, était assise à côté de lui et se pencha toute pour voir à qui parlait son père ou son homme, peut-être les deux.

« Si ce monsieur veut monter près de nous, dit-elle sur un ton de commandement pendant que des figures curieuses se montraient aux petites fenêtres de la voiture, nous détournerons par le Mesnil et nous le mettrons sur sa route… Ce sera plus court qu’une explication, surtout avec l’averse qui chauffe. »

Un coup de tonnerre plus violent que les autres et sous lequel le sol vibra comme une peau de tambour décida du Bréau à accepter