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nant vivre et mourir chez sa sœur. Mais sa stupéfaction fut grande de voir Veillon, au lieu de passer devant, rester immobile et décontenancé en face de lui, comme pour l’empêcher d’aller plus loin.

« Quoi donc ? » fit-il enfin.

Et l’ami, cherchant ses mots, la voix et le regard gênés :

« Mon cher, c’est absurde… Tu sais dans quel état le chagrin met les femmes… Voilà que Marie Fédor, Mme  Restouble, si aimable ordinairement, t’en veut d’avoir laissé mourir sa sœur sans être venu une fois… J’ai eu beau lui dire et redire sur tous les tons que tu ne le pouvais pas, que même ta démarche d’aujourd’hui était une imprudence vis-à-vis de ta femme et de votre bonheur…Inutile ! Elle est furieuse, elle ne veut pas te voir ; elle ne descendrait plutôt pas.

– Alors, quoi… Il faut que je m’en aille ?… »

Veillon hésitait :

« Je ne sais que te dire… Quand je pense que je t’ai fait faire cette longue route et qu’on ne te laisse même pas le droit…

– D’aller jusqu’au cimetière, dit François du Bréau en souriant tristement…Que veux-tu ? cela est peut-être mieux ainsi… Je m’en vais revenir chez nous tout doucement par les mêmes grandes plaines, en me remémorant ces quelques années, ce triste lambeau de ma