Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dictant un acte parmi le grincement des plumes d’oie qui grossoyaient.

Dans le corridor du bas, au sonore et frais dallage, un tréteau préparé attendait le cercueil ; tout au bout, une porte vitrée permettait d’entrevoir les allées vertes du jardin et les noires silhouettes des invités.

« Reste ici, dit Veillon en laissant son ami dans la cour… Le cercueil n’est pas encore descendu… Je vais demander qu’on nous la laisse voir. Je crois qu’il est encore temps. »

Tout ému par la pensée de cette suprême entrevue, du Bréau commençait à s’impatienter de tourner autour des géraniums, en entendant chuchoter dans son dos les clercs de l’étude.

« Nous montons ? » demanda-t-il à son ami, enfin apparu sous la draperie funèbre.

Veillon balbutia :

« C’est inutile… On ne peut pas… c’est trop tard. »

L’autre, sans prendre garde à son embarras, proposa tout naturellement de passer dans le jardin avec tout le monde ; il n’était peut-être pas fâché, en définitive, d’échapper à cette confrontation douloureuse qu’il s’imposait un peu comme un devoir, après ce qu’il venait d’apprendre des derniers jours de Louise et l’espèce de sacrifice qu’elle lui avait fait en ve-