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– Elle aurait voulu te demander pardon… Oui, pardon de ses lettres, de ses menaces, de toutes les démences dont elle te persécutait. Je t’avoue que devant sa détresse, ses remords, je lui ai menti abominablement, à cette pauvre Loulou, lui faisant croire que tout était pardonné, oublié. Mais si tu penses que je m’en suis débarrassé avec cela ! Quand elle a eu bien compris que tu ne viendrais pas à Wissous, que tu n’y pouvais pas venir, alors ç’a été une autre chanson. Ta vie à Château-Frayé, votre installation, si vous faisiez de la musique le soir, si ta petite te ressemble… c’étaient des questions sans fin. Dès que j’arrivais, impossible de lui parler d’autre chose. Puis, un jour, elle nous a déclaré qu’elle voulait voir ta maison, seulement les murs, seulement la cime des arbres. C’est là que j’ai compris combien elle se trompait sur sa sœur. Brisée, malade comme elle était, on ne pouvait pas la mettre en wagon, elle devait faire toute la route en voiture, allongée sur des coussins. Je peux dire que Marie Fédor a été d’une douceur, d’une patience admirables et que, sans elle, jamais Louise n’aurait pu satisfaire son caprice. Un vrai voyage fatigant et long. Mais tout lui semblait magique, cette première haleine du printemps, allègre et vive, l’herbe nouvelle qui pointait partout dans les champs, tout la grisait. Nous nous sommes arrêtés au Bois--