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le chemin de Wissous à Château-Frayé, l’ayant fait récemment encore avec Louise.

« Car, figure-toi, mon cher, qu’en se réfugiant chez sa sœur qu’elle détestait, qu’elle croyait sa plus mortelle ennemie, la pauvre fille n’avait qu’un but, une espérance, te revoir. Dès ma première visite, elle m’en parlait : « Vous comprenez, mon petit Veillon, me disait-elle avec cette grâce ingénue que lui avait rendue la souffrance, ce n’était pas possible qu’il vînt chez moi, quand je vivais mal, dans le vice et dans la bohème ; mais ici, chez des gens mariés, chez un magistrat – ma sœur me le répète-t-elle assez, bon Dieu de Dieu, que son mari est magistrat – rien ne peut l’empêcher, n’est-ce pas ? » Ah ! la malheureuse, pour lui persuader qu’elle rêvait une chose impossible, que l’honnête homme que tu étais ne pouvait faire cela, ne le ferait pas certainement, le mal que j’ai eu… d’ailleurs sans la convaincre… »

Du Bréau, qui s’était arrêté pour allumer une cigarette, murmura au bout d’un moment :

« Pourquoi se voir, d’abord ? Qu’aurions-nous pu nous dire ?

– Oh ! je sais bien ce qu’elle t’aurait dit, et pourquoi elle aurait tant tenu à te voir avant de mourir.

– Pourquoi ?