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 la Seine, dans ces immenses plaines qui vont jusqu’à Montlhéry. Il était mort là, on allait l’y enterrer.

Mme  du Bréau regarda son mari :

« Tu ne m’en as jamais parlé, de ce Georges Hofer ? »

Il répondit :

« Il y a longtemps que je ne le voyais plus. »

Veillon ajouta, très sérieux :

« C’est égal… tu feras bien de venir. »

Et la femme, plus gravement encore :

« Il faut y aller, mon ami. »

L’accent de pitié, de douceur, dont elle dit cela, les saisit tous les deux. Ils en parlaient une heure après dans le train de la Grande Ceinture qui les emmenait à Juvisy, où commencent les plaines de Wissous.

« Crois-tu qu’elle se soit doutée de quelque chose ? » s’informait Veillon.

Du Bréau, lui, ne le pensait pas.

« Elle me l’aurait dit. C’est une limpide, une vibrante, incapable de rien cacher… La Fédor disait quelquefois : « Je suis un brave homme, on peut se fier à moi. » Brave homme, je veux bien, mais une sacrée femelle tout de même, et qui, née dans le ruisseau, n’ayant jamais eu pour se conduire que ses instincts de fille ou de cabotine, s’imaginait que toutes les femmes lui ressemblaient, en plus bête et plus méchant, et aurait voulu me le faire croire… Si