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Au moment de se mettre à table, nouvelle apparition de la nourrice, qui venait chercher Madame pour l’enfant.

« Un type, cette nounou, dit la jeune mère sans plus s’émouvoir. C’est la paysanne à scrupules… Avec elle on n’a jamais fini… Déjeunez, messieurs, je vous en prie, ne m’attendez pas. »

Et elle avait, en quittant la table, un joli sourire de sécurité dans le bonheur. Derrière elle, tout de suite, le mari demanda :

« Qu’y a-t-il ?

– Louise est morte », dit l’ami gravement.

L’autre ne comprit pas d’abord.

« Eh ! oui… Loulou… La Fédor, voyons. »

Nerveusement, par-dessus la table, François saisit la main de son ami.

« Morte ! tu es sûr ?… »

Et l’ami affirmant de nouveau d’un implacable signe de tête, du Bréau eut non pas un soupir, mais un cri, une bramée de soulagement :

« Enfin ! »

C’était si férocement égoïste, cet élan de joie devant la mort… surtout une femme comme la Fédor… l’actrice célèbre, admirée, désirée de tous, et qu’il avait gardée six ans contre son cœur ; il se sentit honteux et gêné, s’expliqua :

« C’est horrible, n’est-ce pas ? mais si tu sa-