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LE TRÉSOR D’ARLATAN

mas d’alentour se sont mis en quête ; de toutes les manades des gardiens sont venus fouiller les étangs, les roubines, avec leurs longs tridents.

La nuit, des clameurs, des appels de trompe sonnaient de partout dans la plaine ; des lueurs de torches, de lanternes, tremblaient sur l’eau.

Ah ! les braves gens ! Comme tout ce bas peuple de campagne, bergers, bergerots, gardiens aux visages balafrés, bronzés et durs comme des casques, que tout ce petit monde m’est apparu généreux et bon, fraternel à la détresse d’un des siens, donnant, prodiguant ses heures de sommeil, sa pitié, sa fatigue… Et il en faisait une tempête, ces trois jours-là ! Bourrasque, éclairs, grésil, la mer et le Vacarès en furie, les manades affolées, fuyant devant la rafale ou se piétant, se serrant, la tête basse derrière le chef du troupeau, tournant la corne au gicle comme vous dites. C’était païennement beau, toute cette sauvage nature soulevée, révoltée contre l’injustice des dieux qui ont permis le suicide de cette enfant, car elle s’est tuée, la malheureuse, et si vous saviez pour échapper à quelle étrange et cruelle obsession…

Au matin du troisième jour, Charlon et moi nous battions les bords de l’étang quand une bande de chevaux sauvages nous est apparue, en arrêt le long de la rive. Ils regardaient notre