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LE TRÉSOR d’ARLATAN

monde, je me suis sauvée jusqu’ici de peur d’être reconnue. »

Elle se leva, prit sous le bras sa corbeille à pain.

Il lui demanda :

« Où vas-tu ?

— Je rentre à la maison, ma sœur doit être inquiète… »

Une hésitation, puis :

« Est-ce que vous lui direz que vous m’avez vue ?

— Non… si tu me promets… »

Elle eut un regard navrant et las à faire pitié. « Que voulez-vous que je promette ? Est-ce que je peux ? Est-ce que je sais ? Il y a des moments où je ne suis plus moi, où des flammes me traversent, m’enlèvent… Depuis que vous êtes là, c’est bien, je me sens de la force pour résister… mais dans une heure vous serez loin, et rien ne pourra me retenir… Et ce n’est pas ma guérison, comme vous sembliez le croire, que je viens chercher près d’Arlatan… c’est le poison, c’est sa brûlure… Mes yeux me font mal à la fin, de l’envie que j’ai de voir des choses. Et l’homme m’en montre et je me damne… Ah ! tenez, le mieux serait de tout dire à Naïs, qu’elle me batte, qu’elle me tue, mais que je ne revienne plus ici… »

Pendant qu’elle parlait, Danjou, se rappelant les hideux chromos étalés sur le grabat du