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LE TRÉSOR d’ARLATAN

geaient, péchaient, secouaient leurs ailes dans le vent.

« Mettez la clef en dedans, nous serons plus chez nous, » dit le gardien à voix basse.

Mais Danjou, d’un ton bref :

« C’est inutile, je m’en vais, puisque vous ne voulez pas… »

L’autre blêmissait de colère.

« Mon cér ami, voyons, réfléchissez.

— C’est tout réfléchi… Je tenais à ce portrait, vous y tenez aussi… Voici vingt francs pour la peine, et au revoir, mon garçon. »

Après tout, l’impression de mortel dégoût qu’il emportait ne valait-elle pas toutes les photographies ? Avec l’image constamment sous les yeux, cette impression se fût peut-être atténuée ; peut-être, aussi n’eût-il pas résisté à la joie de faciles représailles, comme d’envoyer chez la diva ce souvenir de sa jeunesse. Mais alors c’étaient tous ses efforts perdus, sa retraite dénoncée, des lettres, des larmes, et au bout probablement l’éternelle rechute. Non, non, reste avec ton Camarguais, ma fille ; continue à moisir parmi les baumes verts à l’état de pièce galante !…

Danjou songeait ainsi en marchant vers le Vacarès, où il comptait chasser encore une couple d’heures, lorsque près de lui, dans le pâturage, des chevaux attroupés se dispersèrent à son approche. Zia était assise sur le gazon