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LE TRÉSOR D’ARLATAN

lée jusque-là… J’avais vu tout de suite que ça vous amuserait… »

Il allongea un bras velu, couleur de brique, sillonné de coups de cornes en blanches et profondes cicatrices.

« Sans vous commander, mon camarade, cette malle à clous dorés, là-bas, au fond… si c’était un effet de votre obligeance de l’amener tout contre moi… nous y trouverions sûrement ce que vous cherchez. »

« Que croit-il donc que je cherche, cet imbécile ? » songeait Danjou en approchant la caisse du lit et soulevant son énorme couvercle en dôme. Tout de suite il eut l’illusion d’une boutique d’herboriste qui s’ouvrait. Des fleurs séchées, des plantes mortes, momies de papillons et de cigales conservées dans le camphre et l’alcool, opiats, élixirs, du papier d’argent, quelques coquillages, des morceaux de nacre et de corail, voilà ce qu’on voyait d’abord dans cette espèce de trappe mohicane, ce trou de pie voleuse que l’Anti-Glaireux appelait « son trésor ». Penché dessus avec des yeux éblouis d’inventeur et d’avare, il bégayait la lèvre humide :

« Y en a-t-il de mes drogues là dedans, et de l’herbe qui sauve et de l’herbe qui tue !… »

Sa narine gourmande allait d’un flacon à l’autre, flairait, se délectait longuement ; puis, comme si l’impatience fébrile du client le ré-