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LE TRÉSOR D’ARLATAN

enfant, mais ne recommence plus ; je ne mentirais pas une seconde fois… »

Elle se tenait devant lui, très humble, sans répondre. Par la porte restée ouverte derrière le garde, on entendait grincer la chaîne du puits et le ruissellement de l’eau dans le noir. Danjou continua :

« Pourquoi es-tu allée chez cet homme ? Car tu étais là, et tu en sortais à peine quand je suis arrivé. Que venais-tu faire ? Ta sœur te l’avait bien défendu. »

Les grands yeux noirs le fixaient, effroyablement navrés et immobiles, traversés seulement d’un éclair d’indignation quand il demanda si, par hasard, ce vieux hibou ne s’était pas mis en îéte de devenir son galant, son câlineur

« Non, n’est-ce pas, c’est impossible ? Qu’est-ce qui t’attirait donc chez ce marchand de baume vert ? Tu ne veux pas me le dire ? Eh bien ! je le sais, moi… je l’ai deviné. »

L’enfant tremblait si fort qu’elle dut s’appuyer contre la chaise où il était assis. Il laissa tomber son livre ; et tout bas, de tout près :

« C’est ton mal qui est revenu ? Tu as recommencé à voir des choses ?… C’est bien cela, dis, Zia ? dis, ma petite sœur de fièvre et de misère ?… Et dans un coup de désespoir, un soir où tu ne voyais pas d’étoiles, où la musique des félibres n’arrivait plus jusqu’à ton cœur, tu t’es souvenue des miracles d’Arlatan et tu es