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LE TRÉSOR d’ARLATAN

que tu sais que la petite n’était pas chez Arlatan, vous allez me faire le plaisir, en rentrant, de vous embrasser bien fort, et qu’on soit tous amis comme auparavant. C’est trop triste, les maisons de pauvres, quand on ne s’aime pas. »

Le feu flambait clair, la table du Franciot était mise ; Charlon prit sa chère laide par la taille et l’entraîna vers leur mas sur un air de farandole populaire dans toute la Provence :

Madame de Limagne
Fait danser les chevaux de carton.

Il revint dans la soirée, mais cette fois avec la petite Zia. Henri lisait au coin du feu, sous le caleil, répondant par monosyllabes, tellement sa lecture l’absorbait.

Un moment, Charlon étant allé remplir les brocs au puits commun, un vieux puits à roue situé à mi-chemin entre la Cabane et le mas, Zia et Danjou se trouvèrent seuls. Elle passa près de son livre à deux ou trois reprises, et, tout à coup, lui saisissant la main d’un geste irrésistible, la porta à sa bouche avec violence. La douceur de ses lèvres, la candeur de ce remerciement attendrirent le jeune homme. Il eut besoin de tout son courage pour retirer sa main et dire d’un ton sévère :

« Tu m’as fait faire un gros mensonge, mon